Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

LA QUOTIDIENNE DE LAURENT JOFFRIN

 

LA QUOTIDIENNE DE LAURENT JOFFRIN

 

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Les ronds-points de croissance

 

Providentiels gilets jaunes… La croissance française – et l’emploi, qui en dépend largement – devrait se porter honorablement cette année. Mieux : pour la première fois depuis des lustres, la France fera mieux que l’Allemagne en matière d’activité économique. D’où vient ce miracle ? Des gilets jaunes ! En lâchant quelque dix milliards pour apaiser le conflit, auxquels s’ajoute un bon milliard de primes exceptionnelles distribuées par les entreprises, le gouvernement a favorisé le pouvoir d’achat, et donc la consommation, et donc la croissance.

Ce n’était en rien dans ses plans. Orthodoxe en diable, l’équipe Macron avait prévu de modérer la croissance du pouvoir d’achat, de réduire les déficits publics et de favoriser les revenus des entreprises. Le mouvement des ronds-points l’a contraint à faire le contraire. Du coup, les résultats sur l’activité sont meilleurs et le chômage devrait connaître une légère décrue supplémentaire. Les gilets jaunes seraient-ils meilleurs économistes que les spécialistes de l’économie qui nous gouvernent ?

Les orthodoxes rétorqueront que les concessions consenties par les pouvoirs publics vont creuser le déficit extérieur (par augmentation des importations et ralentissement des exportations) et retarder le retour à un meilleur équilibre budgétaire, dans un pays fortement endetté. En fait, on ne le sait pas encore : la croissance accroît aussi les recettes fiscales et facilite donc le rééquilibrage des finances publiques. Keynes pas mort…

Ce paradoxe est plus profond qu’il n’en a l’air. Pour sortir de la crise des gilets jaunes, le gouvernement devra écouter l’opinion, qui s’exprime dans la rue, dans le «grand débat» et par voie de sondage. Or ces trois canaux d’expression disent tous la même chose : les Français demandent une plus grande justice fiscale (avec taxation des hauts revenus, des gros patrimoines et baisse des impôts indirects, comme la TVA sur les produits de première nécessité), un meilleur pouvoir d’achat, de meilleurs services publics. C’est-à-dire le contraire des médications libérales, ou orthodoxes, chères aux «premiers de cordée». Selon un sondage Viavoice de mercredi dernier, 86% des Français estiment qu’il faudra «réorienter la politique économique et sociale» à l’issue du grand débat. Dans quel sens ? Le sondage ne le dit pas mais la réponse n’est pas douteuse, à entendre les revendications exprimées : dans le sens d’une plus grande équité, d’un meilleur pouvoir d’achat, d’un soutien aux services publics. Autrement dit une politique de gauche…

Paradoxe dans le paradoxe, donc : au moment où la gauche politique se traîne dans la confusion et la division, clairement minoritaire dans l’opinion, la même opinion réclame une politique plus égalitaire et plus sociale. La situation devrait être favorable à l’opposition progressiste. Faute de leaders, de projet, de discours, elle est incapable d’en tirer parti. La pression se porte aussi sur le gouvernement. S’il persiste dans la mise en œuvre de son programme, il tourne le dos à l’opinion. S’il écoute l’opinion, il tourne le dos à son programme. Pas facile, la politique, par les temps qui courent…

LAURENT JOFFRIN

 

 



21/03/2019
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