Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

La quotidienne de Laurent Joffrin

Quand Joffrin aide les britanniques à comprendre ce qui les attend avec le hard Brexit alors qu'ils ont voté pour le contraire.

C.Q.F.D.

GV.

 

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Le trou noir du Brexit

 

Attention fake news… Une image circule depuis quelques jours, censée représenter un des «trous noirs» qui parsèment l’univers. On y voit une vague orbe orangée aux contours incertains qui s’enroule autour d’un espace vide, une spirale gazeuse à la trajectoire nébuleuse et au devenir mystérieux. En fait, chacun l’a bien compris, c’est une image du Brexit.

Reculant pour sauter le moins mal possible, Européens et Britanniques sont convenus de repousser l’échéance au 31 octobre prochain, qui coïncide avec la fête d’Halloween. Ainsi deux mascarades se rejoignent dans le calendrier. On espère entre-temps que le Royaume-Uni aura résolu une équation inextricable : comment transformer trois tiers en deux moitiés, dont l’une l’emporterait sur l’autre. L’opinion et le Parlement, en effet, se divisent en trois parties inégales : Brexit dur, Brexit mou, pas de Brexit. Or aucune de ces positions n’est majoritaire etpersonne ne parvient à les unir deux à deux pour dégager une décision. Les hard Brexiters ne veulent pas de compromis avec l’Europe : ils rejettent le texte signé par Theresa May ; les remainers n’en veulent pas plus : ils rêvent en fait d’un référendum qui annulerait tout Brexit. Les soft Brexiters sont donc isolés face à la coalition de ceux qui ne veulent rien et de ceux qui veulent tout ; lesquels, évidemment, ne peuvent s’accorder, sinon pour tout rejeter et ne rien concéder.

Hors du Royaume-Uni, cette situation floue permet à chacun des camps de projeter ses préjugés pour formuler des conclusions sans appel, toutes contestables. Les partisans de l’Union soulignent la paralysie qui frappe le Royaume-Uni depuis trois ans et prédisent une catastrophe économique. Ils ont raison sur le premier point et tort sur le second. La vie politique britannique est effectivement engluée dans un débat confus et sans issue, qui confine à l’absurde ; en revanche, l’économie du royaume ne se porte pas si mal et elle a même réduit le chômage à un minimum historique (4%). Contrairement aux prévisions apocalyptiques des anti-Brexit, il est probable qu’il surmontera, après un désordre transitoire, l’obstacle de la séparation. Après tout, beaucoup de pays extérieurs à l’Union s’en sortent aussi bien, ou aussi mal, que ceux qui sont à l’intérieur. La Grande-Bretagne, pays résilient qui a survécu au Blitz nazi, survivra aussi au Brexit. Le vrai argument est celui-ci : le Brexit ne sera pas une catastrophe, mais il soumet le pays à une épreuve sans rien lui apporter de tangible, sinon l’illusion de la souveraineté.

Les souverainistes, constatant les difficultés en cours, dénoncent la «prison européenne». Autre fantasmagorie. C’est l’indécision de Londres qui bloque le Brexit et non l’inexistante «dictature de Bruxelles». S’ils arrêtent enfin une position claire, les Britanniques peuvent sortir de l’Union en quelques jours, soit en acceptant l’accord signé par leur propre gouvernement, soit en divorçant sans accord. Tout repose sur eux et personne ne se mettra en travers au sein de l’Union, qui n’a rien d’un empire et tout d’une réunion de pays libres et consentants, dont chacun peut se séparer quand bon lui semble.

La vérité, c’est que le soft Brexit, qui devrait découler spontanément du vote référendaire, consiste à abandonner toute influence au sein de l’Union, mais à respecter les normes juridiques décidées à Bruxelles (par exemple en restant dans l’Union douanière). On en attend un gain de souveraineté alors qu’en fait, c’est une perte. Le hard Brexit est plus cohérent : on sort et on passe des accords commerciaux librement avec tout le monde. Mais là encore, il y a entourloupe. Les hard Brexiters du Parlement sont en fait des souverainistes libéraux. Ils ont pour projet de libéraliser encore plus la société britannique et de l’ouvrir plus largement sur la compétition mondiale. Si bien que l’électorat populaire qui a voté pour la sortie en espérant se protéger mieux de l’extérieur se trouvera confronté plus directement aux duretés de la mondialisation. Le peuple vote pour une chose et obtient son contraire. C’est le principal mensonge du Brexit. D’où la paralysie d’un pays à qui on a promis une meilleure protection et qui s’aperçoit qu’on lui propose de plonger dans la mondialisation sans le bouclier européen. On hésiterait à moins…

 

LAURENT JOFFRIN

 

 



16/04/2019
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