Gerard Viale Auteur

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La quotidienne de Laurent Joffrin

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Résilience de la social-démocratie

 

Tel un couteau suisse, un vieux jean délavé ou un vénérable tube des Beatles, elle est décidément inusable. Depuis dix bonnes années, un chœur intéressé versait des larmes de crocodile au chevet de cette social-démocratie qu’on disait moribonde, libéraux sémillants, souverainistes conquérants, radicaux «plus rouges que nous, tu meurs». Las ! La victoire de Pedro Sanchez, jeune revenant du Parti socialiste espagnol, montre que le moribond a encore de la ressource. Avec 29% des voix, le PSOE arrive en tête du scrutin législatif et doit logiquement diriger le prochain gouvernement de Madrid. Avec une coalition fragile ? Certes : c’est le cas de la grande majorité des partis européens, soumis à un scrutin proportionnel qui exige des alliances.

Disparue, la social-démocratie qu’on dit reléguée dans les marges de la scène politique ? Certes, elle s’est effacée en Italie, en Pologne ou dans certains pays de l’Est. En France, elle est réduite à la portion congrue. Mais elle gouverne au Portugal, en Grèce, en Suède, en Allemagne avec la CDU. Elle est la première force d’opposition en Grande-Bretagne – où elle a regagné des voix chez les jeunes et les ouvriers –, au Danemark, ou en Belgique francophone. Aux prochaines élections européennes, elle restera sans doute le deuxième groupe d’élus du continent derrière les conservateurs.

Au fond, sa caractéristique première – outre d’avoir modelé l’Etat social dans la plupart des pays d’Europe et modernisé la société –, c’est la résilience. Elle traverse une crise profonde ? Certes : c’est la troisième ou la quatrième de sa longue histoire. Elle dure comme le vieux chêne et plie comme le roseau, pour se redresser ensuite. Est-ce vraiment étonnant ? Sa survie tient à un raisonnement simple : si l’on récuse le libéralisme inégalitaire et le national-populisme régressif, il ne reste qu’une voie pour gouverner : réformer sans trêve l’économie de marché pour la rendre plus humaine, plus libre et conforme à l’impératif écologique. Ce que toutes les gauches réformistes, à travers mille vicissitudes, s’efforcent de faire.

Selon le mot d’Henri Weber, cette crise-là, qui lui a coûté cher sans l’abattre, est une crise de refondation. Repenser l’Etat social, démocratiser la démocratie, dompter la finance et la technologie, allier justice sociale et respect de la planète, conjuguer nation, Europe et mondialisation, résister à la montée en puissance des géants d’Amérique et d’Asie : à chacun de ces défis il faut trouver des réponses nouvelles. Elles manquent. D’où l’actuel passage à vide. Mais d’où l’espoir. Changer de diagnostic en gardant les valeurs, bâtir une stratégie politique qui passe par la reconquête des classes populaires, c’est la tâche des années qui viennent.

 

LAURENT JOFFRIN

 

 



30/04/2019
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