Gerard Viale Auteur

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La quotidienne de Laurent Joffrin

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

Balkany, martyr de la justice

Quatre ans de prison ferme requis contre les époux Balkany. Aussitôt les défenseurs des droits de l’homme et du fraudeur s’inquiètent. Quoi, quatre ans ? N’est-ce pas excessif ? De la prison pour fraude fiscale, où va-t-on ? Au lieu d’appliquer la loi, les juges se changeraient-ils en justiciers ? Maître Dupond-Moretti, avocat des Balkany, professionnel du barreau et des micros qui respire la suffisance, à la télévision en tout cas, dénonce une volonté d’exemplarité et argue de l’indulgence dont la justice fait – ou faisait – souvent preuve envers les fortunés en délicatesse avec le fisc. La fraude, «sport national», dit-il, méritait un traitement plus indulgent.

Quelques faits pour rafraîchir la mémoire de ces Antigone de l’arrangement fiscal. Il apparaît que les Balkany sont bien coupables : c’est leur avocat, le même Dupond-Moretti, qui l’a concédé à l’audience et devant les caméras. Pour des faits similaires, le procureur avait requis trois ans ferme contre Jérôme Cahuzac. Nous sommes dans les mêmes eaux et la même procédure : les juges du siège peuvent très bien atténuer la peine pour éviter la prison aux deux tourtereaux de la villa Pamplemousse. Leurs droits sont saufs.

La justice ne doit pas juger «pour l’exemple» ? Drôle d’argument. La justice doit aussi prendre en compte la personnalité des prévenus et le contexte de l’affaire. Cette personnalité est connue : élu de la République, chargé au Parlement de surveiller le bon usage des fonds publics, Patrick Balkany a soustrait au budget de l’Etat quelque 4 millions d’euros. Il a systématiquement organisé son illégale sous-imposition et insulté sans relâche les journalistes et les juges qui s’intéressaient de trop près à ses affaires douteuses. Il tente encore de discréditer ses juges en clamant qu’il est victime d’un «procès politique». Pourquoi serait-il soudain exempt du devoir d’exemplarité qui s’impose à tout élu ?

Quant au contexte, l’argument selon lequel la fraude est généralisée, et donc qu’on ne saurait la punir sévèrement, est-il recevable en période d’exigence croissante envers les hommes politiques ? On pourrait l’appliquer aux cambriolages : il y en a beaucoup et souvent leurs auteurs ne sont pas arrêtés (plus de 80%). Alors pourquoi sévir contre ceux qui se font prendre ?

Quand on est législateur, on doit au premier chef respecter la loi. Au lieu d’admettre cette règle d’évidence, Dupond-Moretti invoque l’incivisme général des classes dirigeantes, longtemps habituées aux comptes en Suisse et aux sous-déclarations, pour demander qu’on prolonge leur indue protection. On dira qu’il a le devoir d’agir et de parler dans le meilleur intérêt de son client, et non de prêcher la morale. Certes. Mais en plaidant pour la complaisance fiscale généralisée, on peut surtout penser qu’il l’enfonce.

 

 



18/05/2019
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