Gerard Viale Auteur

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La quotidienne de Laurent Joffrin

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Les palinodies de Dupond-Moretti

 

Maître Dupond-Moretti est certes un homme fort respectable par ses engagements et sa qualité professionnelle – on le surnomme «Acquittator». Mais il faut bien dire qu’il lui arrive, comme il vient de le faire en commentant le réquisitoire prononcé contre Patrick Balkany, de dire n’importe quoi.

«On requiert aujourd’hui contre cet homme qui est peut-être l’incarnation du mal absolu, dans cette France qui devient puritaine, ce que parfois on ne requiert pas pour un crime de sang. […] On marche sur la tête. On requiert quatre ans contre lui pour fraude fiscale, puis, quelques heures après, sept ans pour avoir dissimulé sa fraude fiscale. Mais il n’y a pas un fraudeur au monde qui met l’argent qu’il a planqué à la lumière !»

Personne, évidemment, ne tient Balkany pour «l’incarnation du mal absolu». Plutôt Hitler, Staline ou Gengis Khan. L’opinion estime simplement que le maire de Levallois-Perret est un fraudeur éhonté et un élu de la République qui a trahi les devoirs de sa charge. Cela suffit.

On «marche sur la tête» ? Pas du tout : les réquisitions du procureur sont exactement conformes au droit pénal, qui prévoit une peine de sept ans en cas de fraude aggravée. Les juges du siège apprécieront et ils ne souhaiteront pas forcément envoyer en prison le prévenu. Nous verrons. Mais rien d’absurde dans ce réquisitoire.

La France, ajoute l’avocat, «devient puritaine». Phrase extraordinaire. Ainsi la volonté – élémentaire – de lutter contre la fraude fiscale, serait tout bonnement du puritanisme, soit une rigidité religieuse excessive et souvent hypocrite. Autrement dit, l’avocat plaide l’indulgence pour les fraudeurs en col blanc, quand les petits délinquants des quartiers populaires peuplent en grande partie les prisons. Les pouvoirs publics veulent sanctionner ceux qui se soustraient indûment au fisc. Font-ils œuvre de puritanisme ? Ou bien seulement de cohérence dans l’application de la loi à tous les citoyens, les puissants comme les misérables ?

On requiert une peine excessive, dit l’avocat. Nouvelle baliverne. En regard du nombre de fraudeurs, c’est un fait que les peines de prison sont rarement demandées : l’administration préfère la négociation. Elle a d’ailleurs ouvert longtemps un bureau particulier destiné à accueillir ceux qui veulent régulariser leur situation en échange d’un paiement immédiat des sommes dissimulées, réalisme compréhensible qui se situe à mille lieues du «puritanisme» dénoncé par Eric Dupond-Moretti. Seulement voilà : il se trouve que Patrick Balkany n’a pas voulu user de cette latitude et qu’il a, selon l’accusation, organisé pendant trente ans, grâce à une myriade de sociétés écrans, ses opérations de fraude. C’est en raison de cette circonstance aggravante qu’on a requis sept ans, comme le prévoit le code pénal, et non par puritanisme. Dans de pareils cas, les peines de prison sont souvent requises et une centaine de condamnations (environ) sont prononcées chaque année, dont une partie à de la prison ferme. Pourquoi Balkany échapperait-il, par nature, au sort commun ? Argument de prétoire, que Dupond-Moretti avance en roulant des yeux sur un ton accablé, mais qui n’a aucune substance.

D’autant que l’avocat oublie un détail. Balkany n’est pas seulement accusé de fraude, mais aussi de corruption. Alain Carignon, ancien maire de Grenoble, ancien ministre, et une escouade d’élus de moindre calibre ont purgé des peines de prison pour ce motif. Là encore, les juges apprécieront. Mais curieusement sur ce point, Dupond-Moretti est resté muet.

LAURENT JOFFRIN

 

 



15/06/2019
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