Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

La quotidienne de Laurent Joffrin

La quotidienne de Laurent Joffrin ou, la métaphore cinématographique des candidats à la Mairie de Paris.

GV

 

 

 

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Les Marx Brothers d'En marche

 

En marche dans l’élection municipale parisienne ? C’est la cabine des Marx Brothers. On se souvient que dans Une nuit à l’opéra, Groucho introduit l’un après l’autre dans une cabine de paquebot exiguë une kyrielle de figurants, plombiers, marins, manucure, électricien, serveurs, femme de chambre, créant un hilarant amoncellement de visiteurs disparates, chacun poursuivant son improbable mission. Ainsi une escouade de dignitaires macroniens, où de sous-dieux jupitériens, par l’odeur alléchée, se pressent dans la porte étroite de l’investiture du parti du Président.

Benjamin Griveaux, une sorte de Groucho sans moustache, tout aussi péremptoire et solennel que son modèle, tient en principe la corde dans cette compétition fratricide et comique à la fois. Son collègue Mounir Mahjoubi, orateur rapide et sympathique, joue le rôle de Chico, à l’habileté toujours déjouée, jouant de l’ordinateur comme l’autre joue du piano. Cédric Villani, qui réunissait le jour de la démission de ses camarades du gouvernement un meeting massif de 60 personnes, ludion excentrique, incarne Harpo, aussi baroque dans son costume et sa coiffure que le faux muet du quatuor. Enfin Gaspard Gantzer, jeune ténor compétent, franc-tireur personnellement lié au Président, un peu bellâtre, se retrouve à la place de Zeppo, le quatrième Marx, plus effacé, mais plaisant au public.

A la fin de la scène, Margaret Dumont, la grande dame souffre-douleur des quatre génies de la clownerie, ouvre la porte de la cabine, libérant un torrent humain confus et bigarré. Anne Hidalgo n’a pas le physique, aussi élégante et décidée que l’autre était empesée et naïve. Elle n’ouvrira donc pas la porte de la cabine, laissant les impétrants d’En marche se piétiner entre eux, et espérant du coup les coiffer au poteau, comme la tortue laisse, elle, les lièvres fringants se bercer d’illusions.

C’est le problème de la métaphore montagnarde du Président. Quand il y a quatre premiers de cordée suivant chacun sa route, ceux qui suivent s’interrogent sur la direction générale et le sommet paraît soudain inaccessible. On imagine au passage le concert de ricanements qui aurait entouré naguère la même bousculade d’ambitions au sein d’un parti traditionnel, chacun attendant, non que les militants ou les électeurs les départagent dans une primaire, mais priant pour que le doigt de dieu se pointe sur lui. Ainsi en va-t-il dans le nouveau monde : ce ne sont plus les citoyens qui décident, quand bien même on leur rend un culte fiévreux. C’est César ou Auguste, laissant les gladiateurs s’étriper, qui lève ou abaisse le pouce pour désigner le vainqueur. Cela s’appelle le renouveau démocratique.

 

LAURENT JOFFRIN

 

 



29/03/2019
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