Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

La lettre quotidienne de Laurent Joffrin

La quotidienne de Laurent Joffrin qui aborde, aujiourd'hui, la fin du "grand débat".

 

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Grand débat, petit calcul

 

Grand débat, suite, fin… et suite. De toute évidence, l’exécutif n’est guère pressé de mettre un point final à cette expérience démocratique inédite. D’abord parce que cette trouvaille tactique a fonctionné : l’attention publique s’est détournée – en partie – du mouvement des gilets jaunes, donnant au pouvoir la bouffée d’air frais qui l’a sauvé de l’asphyxie promise au plus fort de la mobilisation, quand une noire panique a saisi la majorité En Marche, qui se voyait déjà chassée du pouvoir à la manière d’un Charles X ou d’un Louis-Philippe.

Ensuite parce qu’elle a permis à Emmanuel Macron de mener une deuxième campagne électorale grâce à une succession de pow-wow marathoniens où le grand chef à plumes a pu étaler son art de l’empathie technocratique, sa mémoire encyclopédique, et une infatigable rhétorique, digne d’un Fidel Castro glabre en mode inspection des Finances. La prolongation hasardeuse des protestations, alliée à ce «one president show», lui a permis de mettre fin à une glissade fatale dans l’opinion, tel un alpiniste qui plonge vers l’abîme mais plante son piolet dans la pente et regagne mètre par mètre un rebord plus sûr.

Enfin parce que l’attente impatiente exprimée par les participants débouchera probablement sur une déception, quand il faudra choisir entre les propositions formulées tout en tenant compte de l’état des finances publiques et, surtout quand l’exécutif promet d’écouter la base sans changer vraiment de cap, deux impératifs strictement oxymoriques. Gouverner, c’est choisir. Mais choisir, c’est risquer le mécontentement. Encore une minute, Monsieur le bourreau…

Certaines propositions sont intéressantes : le rétablissement de l’ISF, bien sûr, qu’on essaie de faire sans trop le faire, en augmentant l’impôt sur la propriété immobilière (bizarrerie : pourquoi taxer plus la pierre que la spéculation financière ?) ; la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité (coûteuse néanmoins) ; la suppression de certains privilèges (symbolique : cela ne rapporte rien en regard des masses budgétaires) et, surtout le rapprochement entre l’action publique et les citoyens, impératif catégorique dans la crise actuelle de la démocratie.

D’autres mesures posent question. Le RIC est absurde dans son aspect révocatoire (ainsi on placerait les députés sous la menace d’un vidage en règle s’ils s’avisent de voter une loi impopulaire, alors qu’il en faut parfois) ; en revanche, le référendum sur des projets de loi doit être assoupli et facilité, un peu comme en Suisse, où il fonctionne bien, quoique avec une participation électorale faible. La prise en compte du vote blanc comme un vote exprimé est contradictoire dans les termes : le vote blanc n’exprime rien, par définition, sinon un indistinct rejet de la classe politique, quelle qu’elle soit, ce qui est un rejet de la démocratie représentative dans son essence, mauvaise idée. Ou encore le tirage au sort des députés, qui peut valoir dans une instance consultative, mais qui veut dire, si les tirés au sort ont un pouvoir législatif, que les lois seront votées par des gens que personne n’a choisis, sinon le hasard ; tout citoyen devrait rejeter cette idée avec horreur : les lois dépendent de la volonté générale, elles ne sauraient être décidées à la roulette.

L’examen de ces projets disparates sera un bon prétexte pour reculer encore la réponse. Si possible après les européennes : à quoi bon décevoir les gens au moment où on les appelle aux urnes ? D’abord l’élection, ensuite la déception…

LAURENT JOFFRIN

 

 



15/03/2019
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