Gerard Viale Auteur

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La quotidienne de Laurent JOFFRIN

 

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La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Brexit : le «speaker» grain de sable

 

Suspense est un mot anglais. A onze jours d’une échéance attendue depuis trois ans, cette fois, c’est le glorieux passé du Parlement britannique qui se dresse sur la route déjà passablement tortueuse de Theresa May. Exhumant une jurisprudence datant de 1604, le speaker(président) de la Chambre des communes, John Bercow, connu pour ses tonitruantes interventions, a refusé le troisième vote que demande la Première ministre pour faire adopter l’accord tout aussi tortueux qu’elle a conclu avec l’Union européenne. Selon cette vénérable disposition, arrêtée un an après la mort d’Elizabeth Ire, la «reine vierge», quelques années après la victoire anglaise contre l’Invincible Armada (on voit que ce n’est pas tout neuf…), l’exécutif ne peut pas présenter trois fois de suite le même texte aux députés. Il est vrai que ces votes à répétition donnaient une piètre image de la Chambre des communes, appelée à voter comme un automate, le pistolet sur la tempe, sur un compromis dont elle a dit vertement qu’elle ne voulait pas.

La décision a valu à ce Bescow une bordée d’injures tirées par la presse conservatrice contre ce speaker intraitable, aussi retors que Francis Drake, l’amiral élizabéthain vainqueur des Espagnols et admiré par tous les Anglais. On ne sait comment Theresa May va se tirer de ce nouveau piège constitutionnel. Elle comptait sur un virement de bord du petit parti unioniste irlandais (DUP) avec qui elle s’est alliée, qui aurait entraîné dans son sillage une flottille de députés conservateurs. Planche de salut un peu ridicule : ainsi le sort du Royaume-Uni dépend d’une formation marginale qui représente une fraction d’une partie de l’Irlande du Nord, elle-même portion minoritaire de l’île verte. Las ! Bescow a déjoué la manœuvre et Downing Street est de nouveau encalminé.

Pour en sortir, il faudrait que l’Union européenne accepte un report, ce qui modifierait ipso facto le texte et permettrait de lever le veto du speaker.Mais un report pour quoi faire ? S’il s’agit d’un délai technique, rien ne change et madame May risque fort de se heurter de nouveau à une majorité hostile. Si c’est un long report, cette brèche permettra, dit-on, aux partisans d’un Brexit plus soft de manœuvrer pour imposer un accord plus «pro-européen» que l’actuel compromis.

Ceux qui se plaignent de ne plus y comprendre grand-chose auront raison. La politique britannique est désormais un labyrinthe minoen au centre duquel se trouve le Minotaure du «hard Brexit» et dont Ariane May ne tient plus le fil salvateur.

Avec cet amer paradoxe en prime : la volonté populaire, dans cette affaire, est facile à deviner. Les partisans du «remain» – le maintien dans l’Union – représentant un peu moins de la moitié des électeurs (peut-être plus), l’adjonction de leur volonté à celle des Anglais qui souhaitent un «Brexit soft» fait une claire majorité. Les «hard brexiters» ne forment d’une minorité irascible et acharnée. Pourtant le Parlement, abîmé dans des circonvolutions inextricables, a été incapable de traduire cette position en vote majoritaire. Pendant ce temps, le mur se rapproche à grande vitesse.

 

LAURENT JOFFRIN

 

 



20/03/2019
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