Gerard Viale Auteur

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La quotidienne de Laurent Joffrin

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

Macron: le clin d'œil aux identitaires

 

Cultiver «l’art d’être français» ? Noble intention. En usant de cette formule au parfum littéraire, Emmanuel Macron veut répondre – et c’est légitime – aux accusations de la droite et de l’extrême droite, qui le présentent comme un cosmopolite, un moderniste échevelé, un mondialiste fou et même, dans le pire des cas, comme un banquier apatride issu de chez Rothschild, coupé des réalités nationales et populaires. Le président définit donc un «art d’être français», réplique indirecte à ceux qui le portraiturent en mauvais Français: il s’agit d’être «enraciné mais universel»,de recueillir un héritage, mais aussi de se tourner vers l’avenir, toutes choses auxquelles adhèrent tous les bons républicains, patriotes en même temps qu’ouverts sur le grand large. Avec à la clé trois mesures concrètes. Pour la famille new-look, c’est-à-dire souvent séparée ou recomposée: une meilleure assurance de versement des pensions alimentaires pour les mères seules; un statut des «aidants», ceux qui consacrent une grande partie de leur temps à s’occuper des anciens ou des personnes handicapées; et enfin, pour les futurs citoyens, qui ne sont pas seulement «des individus» mais des membres d’une collectivité solidaire, un service civique élargi, facilité, financé. Fort bien.

Mais à partir de là, les choses se gâtent. Dans le vocabulaire, en tout cas. Citons le président: il faut défendre «un projet de résistance à la mondialisation». Celle-ci est donc avant tout une menace, qui nous promet l’envahissement, l’arrivée d’éléments allogènes, l’attaque de nos valeurs, la corruption de notre héritage, etc. Replions-nous, défendons l’identité, relevons les anciens parapets. Valeurs Actuelles n’est pas loin. Il faut ensuite «préserver, garder, consolider»: ce sont les mantras du discours conservateur, qui fustige le «bougisme», l’innovation à tout prix, la manie du changement. Certes, on le sait, il faut préserver ce qui est bien, ce qui correspond au génie républicain, aux impératifs du progrès humain. Mais il faut aussi réformer, améliorer, éliminer, ce qui est contraire aux valeurs de liberté et d’égalité. Macron ne l’a pas dit: dangereuse concession à la réaction ambiante.

Il faut enfin, dit le Président, rétablir «les limites, les frontières». Faux pléonasme: les «limites», ce ne sont pas les frontières, ce sont celles qu’on oppose à la modernisation, au progrès, au changement, toutes choses jugées dangereuses pour l’identité, pour l’héritage, pour la transmission. C’est accessoirement – mais non fortuitement – le titre d’une revue animée par un groupe de jeunes cathos intégristes branchés, très actifs, qui ont pris leur place dans la «réacosphère». Quant aux «frontières», elles promettent une politique de l’immigration «à refonder», dixit le président. On devine que cette refondation n’ira pas dans le sens de l’accueil ou de l’ouverture.

Macron converti au conservatisme? Sans doute non. Il reste libéral, européen, à l’aise dans la mondialisation. Mais il s’inquiète, tout autant, de la montée, apparente ou rélle, du courant LR représenté dans les européennes par François-Xavier Bellamy. La gauche éclatée est inoffensive: le danger électoral vient de l’ancienne UMP, qui se prend à rêver aux fastes d’antan. D’où ce clin d’œil identitaire, aux arrière-pensées très tactiques.

 

LAURENT JOFFRIN

 



27/04/2019
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