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Chômage : le match Hollande-Macron
La souris statistique accouche d’une montagne médiatique. La baisse epsilonesque du chômage annoncée par l’Insee a donné lieu à une tonitruante autosatisfaction gouvernementale, avec grandes orgues, grosse caisse et coups de cymbales. Alors que la baisse est d’un dixième de point sur trois mois : à ce rythme-là, il faudrait dix ans pour revenir à moins de 5%.
L’exécutif y voit une légitimation de sa politique, ce qui est de bonne guerre mais de mauvaise foi. En fait, l’amélioration de l’emploi en France est notoirement lente, même si on aurait grand tort de cracher sur les bonnes nouvelles. Et surtout, il est un peu fort de café d’attribuer cette décrue à l’avènement du nouveau monde macronien. La courbe du chômage a culminé en 2015, pour fléchir franchement en 2017, trop tard pour bénéficier politiquement à François Hollande, qui s’est brûlé en tirant les marrons du feu pour son successeur. Ce qui veut dire que sa politique de l’emploi, en fait, a fini par donner des résultats.
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, la courbe a continué de décroître, mais à un rythme beaucoup plus lent. Les créations d’emploi se manifestent toujours (d’où la poursuite de la baisse), mais elles sont nettement moins nombreuses. Autrement dit, pas de quoi bomber le torse. Macron pourrait évidemment faire remarquer que ladite courbe s’est inversée au moment où il devenait ministre de l’Economie après avoir été le principal conseiller économique du Président. Ce serait juste. Mais il faudrait alors ruiner le «storytelling» macronien sur la «rupture» nécessaire avec «l’impuissance du vieux monde», sur «les fainéants» qui l’ont précédé (dont il faisait partie, en l’occurrence), et sur le lever de soleil qu’aurait provoqué son élection. Difficile…
Passant de Bercy à l’Elysée, Emmanuel Macron a trouvé une situation économique certes frustrante, mais tout de même améliorée : équilibre des comptes sociaux, réduction du déficit budgétaire, croissance revenue. Il y a contribué, mais il ne peut pas le dire. Paradoxe du dégagisme : on charge les prédécesseurs de tous les maux, alors qu’en fait on bénéficie de leurs efforts, politiquement coûteux, mais économiquement positifs.
Pour être juste jusqu’au bout, l’environnement économique européen s’est entre-temps dégradé, avec une croissance plus faible, ce qui atténue la responsabilité des gouvernants marcheurs. Mais au total, le bilan de la nouvelle majorité n’est pas celui qu’elle revendique : l’héritage qu’elle a reçu est meilleur qu’elle ne l’a dit ; elle l’a moins fait fructifier qu’elle ne le proclame.
LAURENT JOFFRIN
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