Gerard Viale Auteur

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La lettre politique de Laurent Joffrin

La quotidienne de Laurent Joffrin.

Le Président Brésilien Bolsonaro est vraiment un fruit pur jus, pur fruit de l'extrême droite. Même humour à 2 balles avec propension scatologique aujourd'hui.

Enfin, tout ce qu'il y a de détestable.

 

GERARD VIALE.

 

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

«Golden shower» et incontinence numérique

 

Le frais émoulu président Bolsonaro s’est encore une fois distingué par son élégance et son délicat sens de la nuance. Pour critiquer les débordements qui ternissent à ses yeux l’image du Carnaval de Rio, il a mis en ligne une vidéo montrant une scène de «golden shower», pratique sexuelle peu hygiénique, soi-disant filmée dans une rue de la capitale pendant les festivités. Il a en suite posé cette question faussement naïve à ses «followers» : «Qu’est-ce qu’une "golden shower" ?» (on laissera au lecteur candide le soin de se renseigner par lui-même).

Le message numérique a créé un scandale national au Brésil. Outre qu’il ramène cette institution festive à une pratique tout de même ultra-minoritaire, la vidéo ainsi rendue célèbre a été jugée – c’est le moins qu’on puisse dire – indigne d’un chef d’Etat. Beaucoup de Brésiliens ont éprouvé une sorte de honte à voir leur président recourir à ce genre d’argument au-dessous de la ceinture, d’autant que la population est évidemment très attachée à ce carnaval, certes souvent turbulent, mais qui participe de l’identité traditionnelle – et bon enfant – du pays des cariocas et de la samba.

On savait que Bolsonaro souffrait depuis longtemps d’incontinence numérique (il en a fait le cœur de sa campagne), qu’il était adepte des déclarations grossières, racistes, homophobes et antidémocratiques. Voilà qu’il ajoute à sa panoplie la scatologie : le verbe populiste progresse continûment. «Si tu vas à Rio, n’oublie pas de monter là-haut», chantait Dario Moreno. Il va falloir désormais descendre très bas.

Signe qui ne trompe pas : gratifié d’une popularité de plus de 60% au moment de son élection, Bolsonaro est déjà tombé à 39% d’opinions favorables, à la suite, entre autres, du discours calamiteux et ridicule qu’il a prononcé à Davos (pour une fois, ce raout des sommets pour sommités a servi à quelque chose). Il semble que les Brésiliens, revenus sur terre, s’aperçoivent qu’en votant pour n’importe qui, on doit laisser ensuite l’élu dire n’importe quoi et gouverner n’importe comment. L’incompétence de l’ancien militaire est telle que certains opposants demandent désormais son «impeachment».

L’histoire illustre aussi, une nouvelle fois, les ravages produits par la plateforme Twitter dans le débat public. Non que les «petites phrases» doivent être bannies du langage politique. Les formules lapidaires sont un des moyens d’expression légitime des chefs d’Etat. Bien frappées, bien pensées, elles marquent les esprits. Certains tweets anciens sont restés dans les mémoires par leur densité : «Veni, vidi, vici» (Jules César), «Tout est perdu, fors l’honneur» (François 1er), «L’Etat, c’est moi» (Louis XIV), «Soldats, du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent»(Napoléon 1er), «Je vous ai compris» (Charles de Gaulle), etc. Mais pour y réussir, cet art demande un certain talent, une certaine hauteur, et plus de rareté. Twitter incite au contraire à la logorrhée vulgaire et saccadée. Les tweets de Donald Trump, outil de propagande privilégié, écrits en rafale après le visionnage de Fox News, sont plus proches de la flatulence matinale que des pensées de Pascal. Ceux de nombreux chefs d’Etat, quoique formulés en langue plus noble, sont consternants de banalité solennelle. Comme si la pensée politique, désormais, devait se découper en fragments de guimauve.

Quitte à faire un peu «vieux monde», rappelons que les gouvernants avaient autrefois un moyen d’expression plus sûr : le communiqué, préparé par quelque conseiller, relu avant publication par l’intéressé, qui pesait ses mots et cherchait la justesse de la formule. Le procédé ne garantissait pas la fulgurance, tout le monde n’est pas La Rochefoucauld. Mais au moins il évitait la vulgarité démagogique.

 

LAURENT JOFFRIN

 

 



08/03/2019
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