Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

La quotidienne de Laurent Joffrin

  

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Philippe : le changement du même

 

C’est un virage, dit-on. Un virage en ligne droite. La plupart des mesures annoncées par Edouard Philippe dans sa déclaration de politique générale étaient déjà dans les cartons du gouvernement : réforme des retraites, réforme de l’indemnisation du chômage, loi bioéthique (avec la PMA dès septembre), tout cela avait été déjà proclamé à son de trompe au peuple ébaudi. On y ajoute, prise de conscience oblige, des mesures écologiques, utiles mais encore prudentes. L’acte II qu’on inaugure, comme dans une pièce sans intrigue, prolonge en fait l’acte I. Le «nouveau monde» n’est plus nouveau.

Dans les cordes au début de l’année, Emmanuel Macron s’est sorti avec une habileté indéniable du coin du ring où l’avaient enfermé les gilets jaunes. Des concessions de revenu pour 17 milliards et un grand débat (gratuit, pour le coup), une baisse du chômage héritée du précédent quinquennat, une élection européenne où il a fait pour ainsi dire match nul avec le RN : le voilà remis sur pied, de nouveau d’attaque. Pourquoi bouleverser un dispositif qui a résisté à la tempête ?

C’est la forme qui change. Une prise de hauteur du Président, traditionnelle sous la Cinquième, généralement contredite dans les mois qui suivent, tant le quinquennat et le tout-info contraignent le président à s’exprimer, bon gré, mal gré. Un ton plus «humain», (dixit Macron lui-même, interrogé en Suisse). Le Président veut tenir un discours plus rare, mais surtout plus proche, plus compassionnel, plus à l’écoute, sans ces formules à l’emporte-pièce qui ont fait tant de mal. Jupiter veut aussi jouer les Junon, déesse maternelle. La posture «gender-fluid» est à la mode…

Le vrai neuf est apparu lors du vote des européennes. Après avoir désagrégé la gauche, Macron a jivarisé la droite. Tels les Saxons à la bataille de Leipzig, les bataillons des beaux quartiers ont subitement changé de camp. La République en marche fait ses meilleurs scores à Neuilly, à Boulogne ou dans le XVIe, plongeant dans le malheur les notables LR qui se demandent maintenant comment surmonter l’obstacle des municipales. Petits, petits, venez à moi, dit Edouard Philippe, vous garderez votre fauteuil.

Ce libéralisme verdi, mâtiné d’un peu de social et de beaucoup de «régalien», comme on dit (sécurité, immigration), a séduit la bourgeoisie, qui reste légitimiste et goûte finalement ce jeune président qui met en œuvre des réformes que Sarkozy n’avait pas osé faire, tout en assurant l’ordre. Un Louis-Philippe maigre, flanqué d’un Guizot barbu venu du Havre.

Une nouvelle droite à la place de la droite ? Pas tout à fait. Henri Weber, analyste sagace à la longue mémoire, fait remarquer que Macron réalise le rêve longtemps caressé par Giscard puis par Bayrou : un vaste parti central qui occupe tout l’espace, qui cherche à accréditer l’idée qu’il équilibre les mesures de droite et de gauche. Juppé l’avait dit : il faut couper l’omelette aux deux bouts. Macron l’a fait. On a d’abord valorisé Mélenchon, puis Le Pen ; la gauche réformiste puis la droite républicaine en ont fait les frais. Avec cette nuance, toutefois. L’attelage mené par Philippe, Darmanin et Le Maire, tire volontiers sur la droite, appuyé sur la sociologie électorale de LREM qui rassemble les élites, petites et grandes. Le macronisme ? Un centre droit, quoi. En principe, cette déviation laisse de l’espace à la gauche réformiste. Encore faut-il qu’il y en ait une, et non trois ou quatre.

LAURENT JOFFRIN

 

 



14/06/2019
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