Gerard Viale Auteur

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La quotidienne de Laurent Joffrin

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

Chasse aux chômeurs

Sus au chômage, ou sus aux chômeurs ? Le paquet de mesures présentées mardi par le gouvernement Philippe pour améliorer le marché de l’emploi débouche naturellement sur cette question. La macronie en attend une diminution du nombre de demandeurs d’emploi. Mais ces chômeurs cesseront-ils de l’être parce qu’ils auront trouvé du travail ? Ou bien, plus trivialement, parce qu’ils ne pourront plus s’inscrire à Pôle Emploi, sans pour autant travailler ? Explication.

Deux mesures vont dans le bon sens : le bonus-malus destiné à limiter l’emploi précaire (mais son champ d’application a été restreint) et des droits à la formation et à l’accompagnement mieux assurés. Pour le reste, comme souvent depuis quelques décennies, «la réforme» qu’on présente comme une «modernisation» est surtout un sacrifice demandé aux salariés privés d’emploi, c’est-à-dire une régression.

Le gouvernement vient en effet de durcir nettement les conditions d’accès à l’indemnisation : il faudra travailler plus longtemps sur une période plus courte pour devenir éligible (six mois sur vingt-quatre, contre quatre sur vingt-huit précédemment). De même on ne pourra «recharger» ses droits qu’au terme d’une période six fois plus longue que dans l’ancien système. Les cadres, enfin, seront soumis à une allocation dégressive (elle était fixe auparavant).

Il est parfois utile de réformer le marché du travail, quitte à mécontenter. La fluidité est aussi un gage d’embauche plus facile. Il est même probable (mais pas prouvé) que les mesures prises aux termes de la loi El Khomri, si violemment contestée, expliquent pour partie l’amélioration – fort lente – de la situation de l’emploi enregistrée depuis deux ans. Horresco referens… Mais c’est aussi affaire de mesure. Cette fois ce sont bien les salariés aux difficultés les plus grandes, ballottés de petits boulots en postes temporaires, qui sont visés. Autrement dit les plus fragiles, qui peuvent «traverser la rue» autant de fois qu’ils le peuvent mais ne trouvent rien.

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Lutte contre les «faux chômeurs» ? Pas vraiment : la fraude existe, bien sûr, mais toutes les études montrent que l’immense majorité des salariés perdant leur emploi souhaitent en retrouver un autre au plus vite. A l’inverse du cliché si souvent formulé, rares sont ceux qui se gobergent aux frais de la princesse (même s’il y en a). Les mesures d’économies frapperont donc, en majorité, des chômeurs qui ne souhaitent en rien le rester et qui jouent le jeu loyalement. Le chômage baissera sans doute : ce sera en grande partie par décision administrative et non grâce à des créations d’emplois. On ne fait pas baisser la température, on change le thermomètre. C’est plus facile.

Un indice : la CFDT, réputée accommodante sur ces questions, se dit «abasourdie», «en colère» et parle de demandeurs d’emploi «archi perdants», joignant sa voix à celle des autres centrales. On dit vouloir associer de nouveau les corps intermédiaires. On les jette dans l’opposition.

Avec un paradoxe en prime : la gauche syndicale et politique est dans un tel état que ces retours en arrière pourraient bien passer, au-delà des condamnations verbales, comme une lettre à la poste. Les chômeurs n’ont pas de gilets jaunes, alors… Ainsi une réforme plutôt modérée édictée en 2016 par un gouvernement de gauche a suscité une protestation de plusieurs semaines ; une réforme draconienne menée en 2019 par un gouvernement plus à droite sera peut-être appliquée sans encombres. Allez comprendre.

LAURENT JOFFRIN

 

 



19/06/2019
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