Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

La quotidienne de Laurent Joffrin

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

L'honneur de la SNSM

 

Souvent les faits divers sont politiques. Ainsi du drame des Sables-d’Olonne, où trois sauveteurs en mer ont péri en se portant au secours d’un pêcheur pris dans la tempête, lui-même disparu. Par l’émotion nationale qu’il a suscitée, il contredit un préjugé politique largement répandu, pas seulement à droite. On connaît la chanson : notre société marchande, technologique, impersonnelle, obsédée de performance et de rentabilité, a ruiné les valeurs traditionnelles, consacré l’individualisme – qu’on confond avec l’égoïsme – et ringardisé tout ce qui ressemble à un sens du sacrifice, au consentement à risquer sa vie pour les autres ou pour son pays. Nous sommes en pleine décadence, ajoute-t-on, et le chacun pour soi est devenu l’alpha et l’oméga de la morale publique.

La mort de trois sauveteurs de la SNSM et bien d’autres exemples montrent qu’il n’y a rien de plus faux. La Société nationale de sauvetage en mer est une association composée essentiellement de bénévoles, souvent des retraités de la marine ou de la pêche, mais pas que. Ils sont ainsi quelque 5 000 sauveteurs et sauveteuses à obéir à une règle très simple : dès que leur «bip» sonne, ils (ou elles) doivent rejoindre le canot en moins de huit minutes quoi qu’ils fassent à ce moment-là et quel que soit l’état de la mer (souvent mauvais : les bateaux de la SNSM sortent quand les autres rentrent). Autrement dit, ces 5 000 personnes sont prêtes à risquer leur vie sans toucher en échange un seul centime, au gré de quelque 5 000 interventions chaque année. Fort heureusement, grâce à la fiabilité des bateaux et à la compétence des équipages, les accidents sont rares. Mais tout de même…

On dira que c’est la tradition des gens de mer, qui formeraient un monde à part, voué à une solidarité ancestrale née des duretés de la navigation. C’est tout aussi faux. Les métiers du sauvetage, souvent dangereux (pompiers, gendarmes, secouristes divers) n’éprouvent pas de difficulté de recrutement. Pas plus, d’ailleurs, que les armées, où l’on risque sa vie, cette fois, pour son pays. Le respect populaire qui entoure les soldats tués au combat ou dans des missions de sauvetage (voir le cas du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, ou celui des deux militaires des forces spéciales tués au Mali, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello) montre que cette morale dite «du sacrifice» ou «de l’honneur» est largement partagée et admirée.

Bien entendu, ce sont des faits patents que les prophètes du «déclin» ou de la «décadence démocratique» ignorent superbement. Mais s’il fallait s’occuper des faits quand on défend une thèse qui flatte les préjugés réactionnaires, où irait-on ?

LAURENT JOFFRIN

 

 



13/06/2019
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