Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

La quotidienne de Laurent Joffrin

 

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Sisyphe Mélenchon

 

Rouge sur rouge, rien ne bouge, disent les marins (1). Ainsi de Jean-Luc Mélenchon, grand timonier de La France insoumise. Aucune raison de modifier le cap fixé à LFI par son chef et son programme : tel était le message délivré par le député, qu’on disait déprimé et qui a voulu montrer qu’il n’en était rien. Dans une péroraison de plus d’une heure où il a déployé son incontestable talent oratoire (sans notes, sans hésitation, sur un style mi-gaullien, mi-stand up comedian) il s’est attaché à démontrer que toute la faute retombe sur ses ennemis et sur les électeurs rétifs. Le «populisme de gauche» continue donc son chemin, serait-il plus escarpé. Raffarin n’aurait pas dit mieux : «La route est droite mais la pente est forte.» Forte mais descendante : en deux ans, LFI a perdu entre la moitié et les deux tiers de ses électeurs.

Mélenchon ressort ainsi sa collection de têtes de Turc bien connue, pour une démonstration qu’on pourrait définir comme un complotisme allusif. Complot des juges, qui ont monté une perquisition à grand spectacle pour le discréditer. L’ennui, c’est que le spectacle a été fourni non par les magistrats mais par le prévenu lui-même, qui a transformé une opération banale, à laquelle ont été soumis la plupart des partis français à un moment ou à un autre, en un barnum en direct, avec force roulement d’yeux et adresses tonitruantes.

Complot des journalistes qui s’acharnent sur LFI, épargnant les autres partis. alors qu’ils auraient évidemment couvert de la même manière les mêmes scènes jouées par un autre chef de parti. Imaginons Sarkozy ou Bayrou hurlant «La République, c’est moi !» Croit-on que cela serait passé inaperçu ?

Complot de l’oligarchie, enfin, qui a acheté les médias et donné consigne de frapper uniquement LFI. Et l’affaire Benalla ? Et les ennuis de Fillon en pleine campagne électorale ? Et l’affaire des assistants parlementaires du RN ? Si l’on suit Jean-Luc Mélenchon, personne n’en a parlé.

Plus intéressante est la partie sociologique de son discours. Les 90% de Français qui ne sont pas dans l’oligarchie, explique-t-il, ne forment pas un bloc homogène. Ils sont divisés par leur situation économique, par l’individualisation croissante de la vie sociale. Il est donc très difficile de les réunir sur les mêmes mots d’ordre. La chose s’est produite – en partie seulement – lors de la campagne présidentielle de 2017. Mais le reste du temps, le peuple révéré par les populistes est divisé. Belle découverte, qui signe l’aporie dans laquelle se débat ledit populisme. Car ce peuple divisé se divise tout naturellement en politique. Les uns veulent un changement radical, les autres des réformes prudentes, les uns veulent du vert, les autres du rose ou du rouge. Prétendre à l’unité de toutes ces sensibilités dans le même mouvement, LFI en l’occurrence, c’est croire au père Noël. C’était le mythe de «l’union à la base» jadis cultivé par le PCF, et qui n’était qu’un habillage du refus de l’unité.

Il arrive toujours un moment, si l’on veut être majoritaire, où il faut discuter avec les autres courants. Jean-Luc Mélenchon préfère le sort de Sisyphe, qu’il a abondamment cité : rouler son rocher indéfiniment et attendre qu’il retombe en bas de la montagne. C’était le sens de son message : alors comment va LFI ? Ça roule.

(1) Si l’on voit un feu rouge à bâbord, il n’y a pas de risque de collision, les deux navires suivent des routes qui s’écartent.

LAURENT JOFFRIN

 

 



25/06/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 7 autres membres