Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

La quotidienne de Laurent Joffrin

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

 

Bertrand, Collomb, Wauquiez : homéopathie et rationalité

 

Trois éminents leaders politiques, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez et Gérard Collomb, se sont lancés dans une croisade en faveur de l’homéopathie, dont le gouvernement prévoit – enfin – le déremboursement par la Sécurité sociale. Devant cette triple levée de boucliers, on dit que le gouvernement hésite, pesant le «coût politique» d’une mesure préconisée par la plupart des autorités de santé dans le monde et approuvée par l’immense majorité des scientifiques qui se sont penchés sur la question.

L’homéopathie, pratique tout à fait inoffensive, n’a jamais démontré qu’elle pouvait produire autre chose qu’un «effet placebo». Dès lors que cette réalité est établie, on ne voit pas pourquoi la France devrait rester l’un des derniers pays à la prendre en charge collectivement. La mobilisation de ces excellences est en tout cas étrange sur le fond : elle consiste à faire passer le «ressenti» subjectif des patients avant les conclusions dûment produites par la science et la médecine, c’est-à-dire le préjugé avant la raison. Rappelons que l’homéopathie repose sur le principe des dilutions successives. On prend une goutte de «principe actif» qu’on mélange à 99 gouttes de solvant (de l’eau alcoolisée, par exemple) et on répète l’opération (une goutte de la nouvelle décoction de nouveau mélangée à 99 gouttes de solvant), souvent plus d’une dizaine de fois. La loi des progressions arithmétiques fait que le produit final contient une dose infinitésimale de produit (en fait équivalente à zéro). Pour prendre une image, c’est comme si on jetait un morceau de sucre dans le lac de Genève et qu’on déclarait ensuite que ce lac est composé d’eau sucrée. Rien de grave, mais rien de vraiment sérieux, dixit la science.

On pourrait suggérer aux trois chevaliers blancs de l’homéopathie de demander aussi le remboursement d’autres pratiques médicales «alternatives». Xavier Bertrand pourrait exiger que la Sécu prenne en charge certains remèdes anciens, comme la mandragore, la bave de crapaud, l’écume d’argent ou la poudre de scorpions écrasés, très en vogue au Moyen Age. Gérard Collomb pourrait prendre la défense de la «méthode Coué» qui eut son heure de gloire au début du XXe siècle, et reste très utilisée en politique, ou encore de la jouvence de l’abbé Souris, dont les publicités ornaient les journaux de nos grands-parents et qui peut expliquer sa frappante longévité en politique. Quant à Laurent Wauquiez, il pourrait être défrayé des pilules de «bullshit» qu’il a avalées à haute dose pendant son magistère à la tête de LR.

Pour être juste, ces trois édiles s’inquiètent pour l’emploi dans leur région. Le laboratoire Boiron, qui détient un quasi-monopole sur la vente de pilules homéopathiques et en fait lourd argent, a en effet menacé de détruire quelques milliers d’emplois si la mesure prévue par Agnès Buzyn était promulguée. Ce chantage à l’emploi impressionne les trois personnages, ce qui peut se comprendre. Pourtant le groupe Boiron est richissime et ses propriétaires détiennent une des plus grandes fortunes françaises. Il pourrait, moyennant quelques efforts, organiser une reconversion ou un redéploiement de ses activités, qu’il exerce à l’échelle mondiale. La rationalité minimale devrait orienter la recherche de solutions dans cette direction. Mais la rationalité, aux temps de la défiance générale et de la délégitimation de la science et de l’expertise, n’est plus consommée aujourd’hui… qu’à dose homéopathique.

 

Laurent JOFFRIN

 

 



05/07/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 7 autres membres