La quotidienne de Laurent Joffrin
BoJo le clownVoilà au moins un Premier ministre qui ne recule pas devant l’action. Remarquable parcours que celui de ce leader à l’efficacité redoutable. En quelques jours, Boris-la-Tempête a fait souffler sur la vie politique britannique le même vent qui semble en permanence agiter sa chevelure. Il a fait éclater son parti, perdu sa majorité à la Chambre des communes, jeté le Parlement dans l’insurrection et divisé son pays comme jamais depuis Cromwell. Tout cela au nom d’une renégociation avec l’Union européenne aussi tangible que le monstre du Loch Ness. Comme le dit son principal conseiller, Dominic Cummings, architecte de cette stratégie de la terre brûlée, cité par le Daily Telegraph (pro-Brexit), ces discussions avec les Européens ne sont «qu’une mascarade». Il est vrai qu’elles portent sur une frontière irlandaise dont Johnson, avec une clarté limpide, dit qu’elle existera sans exister tout en existant. Pour arranger les choses, il ne cesse de comparer sa situation à celle de Winston Churchill en 1940, ce qui revient à confondre l’Union européenne avec le régime nazi, assimilation qui ne risque pas d’amadouer les négociateurs européens. Du coup ses adversaires ont complété son surnom : Johnson a été rebaptisé «BoJo le clown». Il ne lui reste qu’une porte de sortie : provoquer des élections générales. Mais il faut pour cela les deux tiers des voix du Parlement. Pour l’instant, il est à moins de la moitié. S’il échoue dans cette dernière entreprise, il ne lui restera plus qu’à démissionner, ce qui en fera le Premier ministre le plus éphémère de l’histoire britannique. Comme toujours dans la grammaire populiste, cette course folle est menée au nom de la souveraineté du peuple. Nouvelle escroquerie intellectuelle : personne aujourd’hui ne peut dire si l’hypothèse du hard Brexit est majoritaire au sein d’une opinion profondément divisée. Les Britanniques, certes, ont voté pour le Brexit. Mais ont-ils choisi une rupture dans la douleur, ou bien pour une sortie négociée ? Mystère. Le retour devant les électeurs semble logique : si Johnson remporte les élections générales (ce n’est pas impossible, tant est grande la lassitude de l’opinion devant le pandémonium du Brexit), il aura alors tout loisir d’imposer sa politique. Mais en attendant, il est contraint, non par le «complot des élites», mais par la loi britannique. Pour dissoudre le Parlement, il doit recueillir son accord. C’est tout le problème des populistes : ils se réclament de la démocratie. Or ce système suppose une combinaison entre souveraineté populaire et état de droit. Le règne de la majorité, essentiel, est limité par les lois. Au-delà, nous entrons dans la tyrannie, serait-elle populaire. Tel est le drame de BoJo : comme César, il voudrait contraindre les élus. Mais il confond le Rubicon et la Tamise. |
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LAURENT JOFFRIN
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