Gerard Viale Auteur

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Les deux corps de Macron

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Les deux corps de Macron

Après les «juges rouges», le juge vert. L’absolution dispensée aux «décrocheurs» de portraits d’Emmanuel Macron est un signe d’époque, bon et mauvais. Positif en ce qu’il traduit la prise de conscience de la société envers l’urgence climatique, qui s’étend donc à la magistrature : tout arrive. Une nouvelle étude publiée mardi souligne le risque d’emballement catastrophique du réchauffement après 2050, ce qui léguerait aux générations futures une planète à moitié inhabitable. La question n’a rien de subalterne. Emmanuel Macron n’employant pas tous les moyens à sa disposition pour prévenir ce désastre, il est symboliquement destitué pour irresponsabilité par ces «décrocheurs» aux ardentes convictions. Quand la maison brûle, on décroche les tableaux. Comme dirait le juge lyonnais, la métaphore est légitime.

Il manque toutefois un élément au raisonnement, qui porte non sur le fond de l’affaire mais sur la méthode. Le portrait d’Emmanuel Macron n’est pas seulement celui d’un homme politique menant une action légitimement critiquable. Il représente le président de la République, c’est-à-dire bien autre chose que lui-même. On se reportera pour l’occasion à l’ouvrage classique d’Ernst Kantorowicz, les Deux Corps du roi. Le souverain est un être de chair et de circonstances, mais aussi l’incarnation de la collectivité, la référence commune, au-delà de sa politique.

Dans les autres démocraties d’Europe, ces «deux corps» sont séparés : d’un côté un roi (ou une reine ou encore un président sans pouvoirs), un Premier ministre de l’autre. En France, les deux fonctions sont confondues dans le même personnage. Si bien que décrocher Macron, quoi qu’on pense de lui, c’est aussi décrocher la République. Autrement dit, la cause est juste. Mais l’action n’est pas le meilleur exemple de civisme qu’on puisse trouver, serait-il vert. Et pour alerter l’opinion, les symboles d’une industrie polluante ne manquent pas. La «désobéissance civile» peut se comprendre. Sauf qu’elle s’applique en l’espèce à un symbole démocratique, dans la mesure où le chef de l’Etat est aussi le garant des libertés publiques et de l’équilibre constitutionnel, et que ces principes sont, quoi qu’on en pense, aussi contenus dans un trivial cadre de bois. Une condamnation de principe sans exécution de peine aurait pu convenir. D’autant que cette décision à la fois bien intentionnée et baroque sera sans doute annulée en appel. 

LAURENT JOFFRIN

 



18/09/2019
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