Gerard Viale Auteur

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La quotidienne de Laurent Joffrin

 

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

Salvini : veni, vidi... pschitt

Il voulait passer le Rubicon : il est tombé dedans. Matteo Salvini, ce sous-César numérique et barbu, qui a gagné non la guerre des Gaules mais celle de Twitter, pensait provoquer des élections en détruisant la coalition qu’il avait lui-même montée un an et demi plus tôt. Las ! Dans un réflexe de survie, la démocratie italienne a sorti de son chapeau une de ces combinazione dont elle a le secret. Plutôt que de retourner aux urnes prématurément, les partis inquiets du succès de la Ligue se sont brusquement rabibochés pour maintenir le président du Conseil, Giuseppe Conte, en place et pour constituer une nouvelle majorité parlementaire. Du coup, celui qui croyait s’emparer de tous les pouvoirs n’en a plus aucun, sinon le ministère de la parole qui désormais tourne à vide. Veni, vidi… pschitt.

Certes, l’alliance des sociaux-démocrates et des Cinq Etoiles est celle de la carpe et du lapin, sans qu’on sache encore si c’est la carpe qui a sauté hors de l’eau ou le lapin qui a enfilé un scaphandre. La peur de perdre a scellé cette coalition, et non une quelconque convergence programmatique. On dira que cet emplâtre ne saurait tenir, que Conte ne pourra pas gouverner longtemps, que Salvini dans l’opposition aura tout loisir de déployer en grand sa démagogique éloquence, que c’est finalement reculer pour mieux sauter, à la prochaine échéance, dans une sorte de fascisme soft et légal dominé par la Ligue, avec quelques supplétifs post-mussoliniens ou berlusconiens.

C’est oublier une réalité maintes fois démontrée : en politique, il faut saisir sa chance quand elle passe. Salvini a vu passer la sienne ; il n’a pas su l’attraper. L’histoire repasse rarement les plats. Grâce à une manœuvre sans gloire, ses adversaires ont évité le pire et gagné du temps – trois ans selon la Constitution. La tâche est ardue, l’attelage hautement incertain. Mais enfin, il vit.

Dans ces circonstances, l’Europe tient en main les cartes décisives. Si enfin lui vient un début de sens politique, elle aidera de tout son possible la nouvelle majorité italienne. En desserrant la contrainte budgétaire qui gêne le gouvernement italien, en proposant des projets communs, en prenant résolument en charge la question des migrants de la Méditerranéequi alimente sans cesse la popularité de la Ligue. Bref, en faisant sentir aux classes populaires italiennes, soutien de Salvini, que Bruxelles se soucie d’elles, que l’Union n’est pas la mère fouettarde qu’on croit, qu’elle peut aussi aider, favoriser, protéger les peuples qu’elle est censée unir. Pour Bruxelles, ce n’est pas une affaire de calculs, de raisonnements macroéconomiques ou de principes monétaires. C’est une question de survie.

LAURENT JOFFRIN

 



31/08/2019
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