Gerard Viale Auteur

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Zemmour le factieux - La quotidienne de Laurent Joffrin

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Zemmour le factieux

Trente minutes d’un discours de guerre civile étrangement retransmis en direct sur LCI, prononcé devant un public acquis de crânes rasés, de têtes de linotte et de vieilles perruques, réuni par Marion Maréchal-Le Pen pour refonder la vraie droite : Eric Zemmour a franchi un nouveau pas dans la xénophobie de combat. Il se sent pousser les ailes de Doriot sans jamais prendre son envol, orateur aussi agressif que laborieux. Il appelle à la réaction de «l’homme blanc» contre une fantasmatique invasion islamique, désignant à la vindicte raciste une minorité de la population française qui n’en peut mais. Cette demi-heure de la haine piétine l’identité républicaine au nom d’une identité ethnique fantomatique, dans une France qui fut toujours une nation de mélanges.

On rappelle à juste titre les années 30. Il y a plus proche et encore plus inquiétant : cette rhétorique est aussi, mot pour mot, celle d’Anders Breivik ou de Brenton Tarrant, ces deux idéologues à front bas auteurs de massacres de masse en Norvège et en Nouvelle-Zélande (il suffit de se rapporter à leur texte), commis au nom de la défense d’un Occident soi-disant assiégé par l’islam, celui-là même dont Zemmour se prétend le héraut. A côté des musulmans, boucs émissaires automatiques, Zemmour le factieux de la démocratie désigne aussi son ennemie : cette idée des droits de l’homme issue de la Révolution française qui a fondé la République, en qui il ne voit plus qu’une complice de la décadence. Rien de neuf depuis Maurras qui fustigeait «la Gueuse» et les «quatre Etats confédérés» qu’elle tolérait, les Juifs, les protestants, les francs-maçons et les métèques, ramenés par Zemmour à un seul, les musulmans. Tout cela est-il légal ? Les tribunaux, une nouvelle fois, en décideront. On a compris, en tout cas, la teneur du danger : l’assaut désormais lancé contre la véritable identité française, qui n’est pas seulement une culture ou un héritage mais une idée, celle qui est inscrite en trois mots au fronton des édifices publics.

Voilà au passage une baudruche qui se dégonfle. De Marion Maréchal-Le Pen sortie du bois, on attendait, à droite en tout cas, quelques idées neuves et quelques lignes jetées vers les militants LR. On trouve un ramassis d’éructations éculées qui font les beaux jours des identitaires depuis toujours. On apprend au passage que son école pompeusement lancée il y a un an rassemble au plus une trentaine d’élèves et que les idées neuves sont aussi rares dans son discours que dans les conversations de Sigmaringen. Comme dans Molière, les orateurs se sont succédé pour désigner l’origine de tous les maux : l’islam, qui prend la place du poumon de Toinette. La crise française ? L’islam. L’insécurité ? L’islam. La fracture du pays ? L’islam, vous dis-je, etc. Curieuse manière de vouloir réunir les droites en se plaçant non au milieu d’elles mais à leur extrême. Pour elle, Marion Maréchal n’a ni parti, ni électeurs, ni militants, seulement quelques sondages favorables. Une mousse médiatique brunâtre qui a pour seule fonction de recentrer en apparence les gros bataillons du RN qui attendent leur heure.

LAURENT JOFFRIN


04/10/2019
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