Gerard Viale Auteur

Gerard Viale Auteur

La quotidienne de Laurent Joffrin

La lettre politique de Laurent Joffrin

 

Hongkong contre le nationalisme

Les manifestations géantes qui ont lieu à Hongkong ne sont pas seulement un événement historique pour l’ancienne colonie britannique. Elles viennent contredire brutalement la logique identitaire – ou nationaliste – qu’on nous présente de plus en plus souvent comme l’avenir de l’humanité.

La crise a été déclenchée par l’adoption d’une loi d’extradition (suspendue depuis) qui permettait à la Chine continentale de faire juger chez elle des prévenus arrêtés sur le territoire de l’île (ou des îles). Les Hongkongais sont satisfaits de leur système judiciaire, hérité des Britanniques – et redoutent l’arbitraire des tribunaux chinois, ce qu’on peut comprendre aisément. Mais à y réfléchir, ce réflexe démocratique ruine aussi les clichés en vigueur sur l’intangible souveraineté des nations et le caractère occidental (pour ne pas dire néocolonial) de l’idéologie des droits humains.

Hongkong a été annexé à l’Empire britannique au milieu du XIXsiècle au terme de plusieurs «traités inégaux» scandaleusement imposés par Londres à l’empire du Milieu grâce à la supériorité des armes occidentales. Exaction typique de l’impérialisme européen en vigueur à l’époque qui, en 1898, octroya à la Grande-Bretagne un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans sur Hongkong. Un siècle plus tard, en 1997, la démocratie britannique, revenue depuis longtemps de son hubris coloniale, restituait à la Chine l’archipel de la rivière des Perles. Seulement voilà : entre-temps, la ville avait atteint une prospérité remarquable en devenant l’une des premières places financières mondiales et, surtout, elle s’était habituée à vivre selon les règles de pluralisme et de libertés publiques inspirés du système politique britannique.

Un compromis fut donc trouvé, au nom d’un principe à la fois simple et hybride : «Un pays, deux systèmes.» Hongkong rentrait dans le giron chinois, mais gardait son propre système juridique, nettement plus libre. En échange, la Chine reprenait en main défense et diplomatie et acquérait une influence – directe ou indirecte – sur la nomination de l’exécutif hongkongais. Ainsi, contrairement à la logique nationaliste, ou identitaire, les habitants de l’île préféraient les valeurs universelles de liberté et de droits individuels – hérités de la puissance coloniale – aux coutumes en vigueur dans leur propre pays. Alors que selon le cliché souverainiste, ils auraient dû accueillir avec ferveur leur rattachement à la patrie.

C’est cet équilibre précaire que la loi d’extradition remettait en cause : la Chine semblait avancer inexorablement vers l’annexion totale de Hongkong. Perspective que les Hongkongais, plus universalistes que chinois sur ce point, refusent avec horreur. Les manifestations ont compté jusqu’à un million de personnes (sur 7 millions d’habitants). Transposée à la France, une telle mobilisation aurait jeté dans les rues quelque 10 millions de personnes ! Conclusion : les droits humains ne sont pas une invention occidentale camouflant un système de domination post-coloniale. Ils parlent à tous les êtres humains, qu’ils soient asiatiques, africains ou européens, qu’ils soient d’anciens colonisés ou d’anciens colonisateurs.

LAURENT JOFFRIN

 

 



18/06/2019
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